Les coups de coeur de Camille : Nafissa Harvoire


#1 – Ph. Nafissa Harvoire

Ces temps-ci je me suis beaucoup penchée sur le travail de la photographe parisienne Nafissa Harvoire. C’est la singularité de ses clichés qui a d’abord suscité ma curiosité. J’ai très vite remarqué qu’elle se distinguait des autres photographes que je connais. La raison en est très simple: sa technique. La photographie n’est pas quelque chose de purement mathématique même si au demeurant il y a des règles évidentes à respecter, il y a de la spontanéité, de l’émotion, des idées, des situations, des histoires. Nafissa Harvoire a su trouvé l’équilibre parfait entre technique et émotion, entre science et art, entre raison et passion. Ne tenant plus à l’idée de savoir ce qu’elle éprouvait lorsqu’elle photographiait,  j’ai choisis douze de ses photographies sur lesquelles mes yeux se sont arrêtés et sur lesquelles mon cœur s’est interrogé. J’ai donc eu l’immense privilège de savoir ce que ces photographies racontaient, je vous laisse découvrir avec moi le monde de Nafissa.

Nafissa, je suis très contente de pouvoir en savoir plus sur ton travail. Voici douze de tes photos qui ont retenu mon attention. Lorsque je les ais choisis, j’y ai vu quatre thèmes différents. Douze clichés qui m’ont troublée, ému et impressionnée. Pourrais-tu m’en dire un peu plus sur ces photos?

Il y a des images qui racontent seulement des morceaux d’histoire, auparavant regroupées dans un album intitulé Short Cuts. C’est le cas des quatre premières photos qui ont été choisies dans la série Usher’s House.

#2 – #3 – #4 – Ph. Nafissa Harvoire

Pour cette série j’avais obtenu l’autorisation de photographier dans un musée privé, le Musée de la  Nature et de la Chasse. Mon projet initial était de représenter le quotidien d’une mère fantasque élevant sa fille dans un endroit étrange et inquiétant, au milieu d’animaux sauvages et de bizarreries.

Qu’est ce qui t’as inspirée?

Je voulais éveiller la curiosité et inquiéter un peu le spectateur. Fan de l’univers de Tim Burton, j’avais envie d’intriguer et d’émouvoir comme il sait si bien le faire. J’avais prévu une série de prises de vue dans cette optique. Par exemple, la mère devait faire la lecture au milieu d’un grand salon bleu, devant une assemblée d’animaux naturalisés (loup, renard, ours…) réunie à ses pieds, avec sa fillette.
Hélas, sur place il m’a été impossible de déplacer les animaux et les objets fixés par des rivets à leur support, j’ai dû m’adapter… C’est une bonne leçon que je retiendrai à l’avenir : expliquer précisément son projet aux protagonistes afin d’éviter ce genre de situations.

NH #5 – Ph. Nafissa Harvoire

Les autres photos ont elles également été imaginées à partir de certains de tes goûts artistiques en musique ou en littérature ?

Oui, c’est aussi le cas de la cinquième photo, extraite de la série intitulée Mrs Butterfly .C’est tout simplement ainsi que je me représente l’héroïne de cet opéra en trois actes. J’avais réécouté l’opéra de Puccini un soir, et j’ai eu envie de l’illustrer…

#9 – Ph. Nafissa Harvoire

La neuvième et la dixième photographies sont extraites de The Hours. (NDLR: C’est l’histoire de trois femmes, trois époques, trois destinées entretissées les unes aux autres. Une journée de la vie de Virginia Woolf, alors qu’elle vient de commencer à écrire « Mrs Dalloway ». Une journée de la vie de Laura Brown, ménagère américaine et lectrice assidue, alors qu’elle vient d’entamer la lecture de ce même « Mrs Dalloway ». Et une journée de la vie de Clarissa Vaughan, éditrice New Yorkaise, Clarissa comme l’héroïne de Virginia Woolf, ce qui lui vaut d’être surnommée Mrs Dalloway par son ami Richard.) J’ai tellement été touchée par le roman de Michael Cunningham, que j’ai eu envie d’exorciser mes sentiments: tristesse, peine et frustration, en les mettant en images. Ce qui est une bonne chose c’est que je n’ai pas vu le film, ainsi je n’ai pas été influencée par la vision d’un autre ; mais il faudra que je le visionne à présent.

#10 – Ph. Nafissa Harvoire

Cette série parle de femmes qui sont inadaptées à leur quotidien, à leur place dans la société. Elle n’est pas terminée, car elle ne représente que l’écrivaine qui se suicide par noyade. Il me reste à mettre en scène/image les deux autres héroïnes du roman…

#12 – Ph. Nafissa Harvoire

La onzième et la douzième photographies sont des images inspirées par l’univers des films et romans noirs américains dont l’action se déroule dans les années 50-60, comme Le Dahlia Noir, LA Confidential… Je suis une inconditionnelle de l’esthétisme de cette époque: l’architecture, la mode, l’art… et de cette partie sombre et intrigante de l’histoire américaine.

Toutes ces photos contiennent quelques choses de toi, tu y laisse ta marque. En réinventant ce que tu aimes et a aimé.

#6 – Ph. Nafissa Harvoire

#7 – Ph. Nafissa Harvoire

Oui. Et puis il y a des images qui ne racontent pas d’histoire en particulier la sixième et la septième entre autre. Elles illustrent, avec d’autres images, ma conception et ma représentation de l’univers féminin. C’est généralement doux et un brin éthéré, voire mélancolique et je suis dans l’idéalisation, voir l’iconographie. Parce que je trouve cela beau, et que cela m’est beaucoup plus familier que la photo conceptuelle ou la photo qui fait dans la provocation. Cela n’empêche que je suis une grande fan de Guy Bourdin qui a bousculé l’image de la femme dans la pub, avec un talent inimitable!

#8 – Ph. Nafissa Harvoire

Alors comment conclure et te définir en quelques mots ?

En résumé, je dirai que je nourris continuellement un univers imaginaire. Films, musique, lectures, scènes de vie, tout y contribue. Et lorsque cela déborde en moi, j’ai besoin de mettre les choses en image. J’aimerai mieux peindre que photographier, si j’avais ce don. Mais je fais avec ce dont je dispose.

http://www.nafissaharvoire.com/

Auteur : Camille BRUNE